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Pêche et littérature, "nature writing", livres de pêche.

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Un blog pour parler de pêche et de littérature. Pour contempler les rivières et les lacs, leurs poissons.

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Numa Marengo, La pêche et Platon

Numa Marengo, La pêche et PlatonNuma Marengo, La pêche et Platon, Eboo éditions, 2013
 
 
Le livre de Numa Marengo n'est pas à proprement parler un livre de pêche, il n'est pas, non plus, un livre de philosophie. Pourtant, je l'ai lu d'une traite ou presque. Sous une forme dialoguée, le style est alerte et le vocabulaire choisi. Passée l'introduction qui sonne comme une Apologie de Socrate façon Xénophon, on trouve la thèse centrale du livre : les pêcheurs prédateurs disparaissent pour diverses raisons, laissant place aux pêcheurs consuméristes, technicistes. Le pêcheur contemporain, c'est-à-dire moderne, est un pêcheur aux leurres. La technique employée fait l'identité et écrase la pêche générique, multi-espèce telle qu'on pouvait la lire dans les encyclopédies de la pêche, jadis. Le pêcheur est urbain, sa sociabilité mise en réseau, halieutiquement centré et égocentré. La pêche de tradition et socialement populaire se voit dépassée par une pêche de classe moyenne, de plus en plus spécialisée qui met en place une éthique, celle du catch and release, du no kill qui viennent s'ajouter parfois à des considérations environnementales et écologiques. Il y aurait donc, selon les techniques pratiquées en fonction des poissons recherchés, des considérations, des différenciations socio-identitaires. Par dessus tout, la pêche aux leurres, en raison de ses derniers progrès, serait la mesure de toute chose (pour paraphraser le Protagoras de Platon) en matière de pêche qui ne serait plus sous la plume de l'auteur « loisir » mais un « marché ».
 
« ... oublieux de la pêche à trousse-culotte ou à la grattée
la volante et la surprise qu'il enseignait autrefois
mouches et leurres le firent jusqu'à l'ongle empoté ... »,
Numa Marengo, Triages, Revue littéraire et artistique n° 15, 2003
Numa Marengo, La pêche et Platonhttp://becca-schlaff.com/blog/
 
Plus remarquable est l'aversion que porte l'auteur à la pêche à la mouche. Celle-ci est ringardisée et ses pratiquants relégués au siècle dernier et même au-delà. Une aversion si profonde, si méchante même, qu'elle interroge le lecteur. La critique est facile et semble tout à fait caricaturale. Que reproche-t-il à ses frères « pécheurs » ? Le goût pour les matériaux nobles, le dédain de la technologie, la valorisation de l'artisanat, une gestuelle paroxystique, un savoir patricien puisqu'il est censé passer tout entier par l'entomologie. Il faudrait, selon lui, repenser la mouche en passant par le leurre, passer de l'imitation au leurre. On se demande si Numa Marengo par ses critiques en rafales ne dessine pas sa propre allégorie de la caverne telle qu'on peut la lire dans La République de Platon. Imaginez une caverne longue et sombre dans laquelle des hommes enchaînés voient devant eux des ombres portées monstrueuses, extravagantes (en fait les ombres d'hommes portant des objets divers ou des animaux, mais invisibles aux yeux des enchaînés) qui dansent, fantastiques et stupéfiantes, sur la paroi. Pour les hommes enchaînés, le monde sensible fait la réalité. Pour autant il n'est pas encore vérité. La pêche à la Mouche (la majuscule est à peine une provocation...) n'est pas cette caricature dessinée. L'amour des matériaux nobles ? Il suffit d'ouvrir les catalogues pour se persuader du contraire, les cannes ne sont plus en bambou refendu et les soies ne sont plus naturelles depuis longtemps, il n'y a donc pas de dédain de la technologie. Quant à la valorisation de l'artisanat, qu'y a-t-il de dégradant, d'amoindrissant dans l'amour du travail, du bel ouvrage quand c'est pour son plaisir ? Les amateurs qui façonnent, avec style, leurs propres leurres en bois dans la veine Garage craft, dont la revue Predators avait vanté le génie créateur, ne seraient-il pas de nouveaux artisans ? Ne sont-ils pas plus proches du pêcheur à la mouche devant son étau ? La gestuelle paroxystique, je ne la vois pas très bien non plus, la majeure partie des lancers se faisant entre 10 et 15 mètres, le pêcheur en nymphe au fil pêche entre 3 à 5 mètres sans faux-lancer. Peut-être les images bien léchées du film Et au milieu coule une rivière de Robert Redford peuvent jeter quelques stéréotypes et quand bien même, ils ne sont pas si laids. Enfin, le savoir, une certaine connaissance entomologiste qui serait patricienne selon l'auteur, n'a pas besoin de dépasser les programmes de sciences naturelles de collège ou de lycée. Ce savoir n'est donc pas si patricien que cela, et s'il l'était, il s'est drôlement démocratisé. Le pêcheur à la mouche n'est pas ce « bourgeois » qui n'aurait pas fait « son Oedipe », ni « sa révolution industrielle » pour reprendre, encore une fois, les expressions de l'auteur : non ! Ce n'est pas cette vilaine caricature. Tout simplement parce que le pêcheur à la mouche est un pêcheur comme les autres.

Et, si je devais prendre le point de vue de Numa Marengo, je dirais même que c'est un pêcheur aux leurres comme les autres. La mouche est un leurre qui ne cherche pas à tout prix l'imitation exacte d'une nymphe, d'un insecte aquatique, terrestre ou de leurs différentes métamorphoses. Il y a, le plus souvent, des mouches d'ensemble, des mouches qui ne ressemblent à rien et par conséquent peuvent faire croire qu'elles ressemblent à tout. Pensez à la Peute d'Henri Bresson par exemple, aux mouches noyées, à celles des lochs écossés, aux streamers que les Anglais appellent « lures » (voir le dernier Trout fisherman et l'article « Catch more with lures »). Les mouches obéissent à des codes de couleurs, des silhouettes, des stimulis qui appartiennent aux leurres. En somme, la mouche et le leurre sont tous les deux artefact.  Ils sont aussi tous les deux à l'interface des mondes humain et animal, visible et invisible et impliquent une éthologie particulière de la part du sujet leurrant (le pêcheur), dont tous les modes cognitifs sont tendus vers le sujet leurré (le poisson) par la grâce de l'artefact. La mouche et le leurre, que je distingue encore, impliquent tous les deux d'établir les caractéristiques perceptives de l'animal dans son milieu et dans un temps donné. Et, à la lecture de Numa Marengo, j'ajouterai, pour rire, une quatrième catégorie au trinome sujet leurrant-leurre-leurré, celle du sujet leurrant-leurré ! C'est-à-dire celle du « pêcheur leurré » (abusé) par les appâts publicitaires et commerciaux des grandes marques de leurres ! Finalement, mouche ou leurre, pas de réelle distinction. Ce sont tous les deux des leurres, et il faudrait alors, ne plus les concevoir comme des imitations mais comme des métaphores !

S'interroger sur la nature de la pêche revient à entamer une longue discussion sophistique où l'argument de Protagoras-Marengo s'échoue sur la dialectique platonicienne. Le leurre n'est pas la mesure de toute chose, mais le Leurre, lui, l'est ! de telle sorte que la pêche est ce moment singulier pendant lequel, grâce à un artefact, tous les efforts cognitifs du pêcheur glissent avec détermination vers le poisson, cherchent à pénétrer son monde, à jouer avec ses codes et à les faire siens. Une sorte d'ichthyanthropie, si l'on veut pousser le bouchon un peu loin vers une dimension onirique. Pour cette raison, il convient de ne pas repousser la littérature.
 
« ... le cou en émerillon et le drôle d'air narquois
qu'ont les Ôtreuh devant ce pléonasme ignare
du poisson-nageur rapala qui lui donnait la foi... »,
Numa Marengo, Triages, Revue littéraire et artistique, n° 15, 2003
Numa Marengo, La pêche et Platonhttp://becca-schlaff.com/blog/
 
Numa Marengo remarque, à juste raison, que ce versant de la pêche est bien plus développé aux Etats-Unis ; il cite Jack London, Hemingway pour l'importance de la nature dans leurs ½uvres (je passerais davantage par H. D. Thoreau pour établir une étape fondatrice du Nature Writing qui connaît en France un regain d'intérêt avec les éditions Gallmeister). L'Europe n'a pas développé un tel courant littéraire, c'est vrai. Mais en France, de grands écrivains ont consacré des pages magnifiques à notre activité, M. Genevoix, H. Bosco, plus proches de nous, ou R. Fallet, H. Jaouen, S. Sautreau, J. Rodier et bien d'autres. Le Royaume-Uni a développé un vrai courant littéraire sur ce sujet, qui faute de traducteurs reste assez ignoré (on peut pour s'en persuader consulter le catalogue de Coch-y-Bonddu books, 23 pages de bibliographie consacrée à toutes les pêches). La littérature halieutique, celle des écrivains-pêcheurs (la liste serait deux à trois fois plus longue s'il fallait évoquer les pêcheurs-écrivains souvent doués pour la plume comme P. Closterman, M. Constantin-Weyer, J. Favard ou encore un D. Taboury), n'est donc pas de l'ordre du symbolique. Mais, ces livres si passionnants n'ont jamais fait l'objet d'un travail éditorial qui pourrait créer un véritable corpus homogène, facile d'accès et populaire.

Il y a dans les rayons de nos bibliothèques de véritables trésors pour qui veut bien les chercher. Ils dessinent une mythologie riche, foisonnante, souvent merveilleuse de la pêche. Je pense qu'il est vital pour notre activité de « mythologiser » avec tous ces auteurs. Car, la mythologie va bien au-delà des croyances, des fables, de « l'inconscient du pêcheur » selon la définition de Numa Marengo. Le mythe, c'est la parole donnée comme transcendance, ce que la rationalité du logos ne peut dire car la dimension poétique, lyrique, sublime, toute cette puissance de l'imagination lui échappe. Cette littérature - ou mythologie - est tout aussi nécessaire au pêcheur car elle nourrit ses rêveries, nourrit son âme, là-bas, au-delà. Ce qui fait que la pêche est bien plus qu'un marché ou un loisir, qu'une rivière est bien plus qu'un cours d'eau, une truite bien plus qu'un poisson, et qu'un pêcheur est bien plus qu'un homme au bord de l'eau.

Avec Platon, la mythologie nous fait cheminer vers la vérité. Avec Numa Marengo, en accord avec lui cette fois, lorsqu'il poétise la pêche à la fin de son livre, il mythologise à sa manière, et de belle façon. Point de contradiction donc entre mythe, discours et pratique, car la pêche est bien plus que la pêche !

Chamane51 le 06/03/2015

Pêche et littérature, nature writing, livres de pêche.

Philippe Cortay, Les murmures du Versant
Serge Sautreau, Après-vous mon cher Goetz
Maurice Constantin-Weyer, La chasse au brochet
Denis Rigal, Eloge de la truite
Jean Rodier, En remontant les ruisseaux
Joan Miquel Touron, La belle histoire de la pêche à la mouche
Henri Bosco, Malicroix
Henry David Thoreau, Journal (22 octobre 1837-31 décembre 1840)
Laurent Madelon, Plaisirs de la pêche en montagne
René Hénoumont, Le jeune homme et la rivière
John Gierach, La-bas les truites...
Jacques-Etienne Bovard, La pêche à rôder
J. de Lespinay, Si vous prenez la mouche . . .
Sophie Massalovitch, Le goût de la pêche
Serge Sautreau, Le rêve de la pêche
Sean Nixon, Les Nuits du Connemara
Pierre Clostermann, La prière du pêcheur
Pierre Clostermann, Des poissons si grands
Pierre Clostermann, Mémoire au bout d'un fil
Pierre Clostermann, Spartacus, l'espadon
Maurice Genevoix, Tendre bestiaire
Maurice Genevoix, Rémi des Rauches
Jim Harrison, Gary Snyder, Aristocrates sauvages
Pierre Perret, Les poissons et moi
John Gierach, Même les truites ont du vague à l'âme
Pierre Affre, La vie rêvée du pêcheur
Jean-Pierre Comby, Rêves de pêcheur
Henry D. Thoreau, Walden, préface de Jim Harrison
Bartolomé Bennassar, Les rivières de ma vie, Maurice Toesca, Rêveries d'un pêcheur solitaire.
Cormark McCarthy, La route
William G.Tapply, Casco Bay, Dark Tiger
Histoire d'ombres, Hervé Jaouen
Les pieds dans l'eau, René Fallet
Elisée Reclus, Histoire d'un ruisseau
Justin Cronin, Quand revient l'été
Les Ardennes à fleur d'eau, Terres ardennaises
La mouche et le Tao, Philippe Nicolas
Brève histoire de pêche à la mouche de Paulus Hochgatterer
Un bon jour pour mourir de Jim Harrison
La femme truite de Vincent Lalu
La grande rivière au coeur double, Ernest Hemingway
L'enfant et la rivière d'Henri Bosco
L'enchantement de la rivière de Philippe Nicolas
Le Traité du zen et de l'art de la pêche à la mouche de John Gierach
Partie de pêche au Yemen de Paul Torday
Le Testament d'un pêcheur à la mouche de John D. Voelker

 
Tags : catch and release, No kill, Platon, Protagoras, garage craft, Predators, Robert Redford, Henri Bresson, artefact, Leurre, Nature writing, Numa Marengo, Mythe
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#Posté le vendredi 06 mars 2015 05:17

Modifié le vendredi 06 mars 2015 14:12

Philippe Cortay, Les Murmures du Versant


Philippe Cortay, LesPhilippe Cortay, Les Murmures du Versant Murmures du Versant, Éditions Les Nouveaux auteurs, 2011
 
 
Le pays d'en haut est toujours entouré de nuages autant que de mystères, ses truites en sont encore plus merveilleuses. Un roman n'est jamais de trop pour raconter cela. Il faut savoir se donner du temps, s'accorder une respiration, ouvrir une parenthèse pour lire ou entendre les murmures que la montagne a bien voulu révéler à Philippe Cortay. Montagnard lui-même, il vit maintenant à Chamonix. Il se décrit lui-même comme un pêcheur, descendant d'une lignée immémoriale de pêcheurs-chasseurs ...

« Le coq de bruyère, le chamois et la truite sont sacrés sur le versant du soleil.
Et il n'est pas né, l'énarque qui fera changer les habitudes des gars du pays .»,
Philippe Cortay, Les Murmures du Versant.

On ne sait pas grand chose de sa montagne, quelque part dans les Alpes, l'Alpe, le haut pays, là-bas, là-haut dans la lumière froide et scintillante. Il y a une vallée, des maisons de pierres et de bois, des prairies, un chaos de roches, des sentiers pentus de muletiers ou de contrebandiers ou de braconniers. Des lacs comme de grands yeux bleus dans le bleu immense du ciel. Des paysans dont on ne sait plus s'ils ont fait la montagne à leurs mains ou si c'est le contraire. Point de paysage sans paysans dit-on ! Ceux de Philippe Cortay sont des taiseux, durs à la tâche, âpres aux gains, économes en tout et toujours entiers dans leurs sentiments et leurs violences. Tout un monde où vivre s'apparente souvent, en tout cas dans son roman, à survivre. Il y a Jean, jeune professeur qui se souvient des récits de l'Ancien. Un monde enfoui sous les sédiments de la mémoire surgit peu à peu. On y pêche évidemment, les truites font l'ordinaire mais leur pêche ne l'est jamais. C'est certainement dans le haut pays que la pêche à la Mouche voit le jour. Créée de toute pièce par la nécessité, l'isolement, la rigueur de l'environnement. Il y a toujours un coin dans le mazet pour ces choses, l'étau forcément peut-être même en bois, des hameçons fort de fer, des plumes trouvées dans le poulailler, quelques brins de laine de couleur tirés du tricot, la mouche est paysanne, rustique, sèche dans la première dérive puis noyée en fin de coulée. On l'imagine fournie, dodue et hirsute comme les mouche de A. de Bompuis que l'on peut voir dans le livre d'Edmond Ardaille. Agitée au bout d'un long fil attaché à une gaule en noisetier puis en bambou refendu dans le livre de Cortay. C'est une bouchée providentielle pour les truites de torrent qui savent d'instinct qu'il ne faut pas laisser passer la chance... Il y a la chasse aussi, inséparable de la vie paysanne, qui peut comme la pêche, faire la renommée dans le pays. Il n'y a pas si longtemps un Tony Burnand nous régalait de ses histoires de pêche et de chasse, au style concis parfois même simple, ponctué de quelques anglicisme glissés discrètement, comme en s'excusant car la pêche à la Mouche passe désormais par les maîtres anglais. Pas de frontière entre l'une et l'autre, pour Burnand, la pêche à la Mouche c'est faire mouche, toucher le centre de la cible, la mire c'est le gobage en son centre. Pêcheur, chasseur, même visée, mêmes objectifs : observer et toucher. Voilà ce que Burnand écrit en substance dans Les savoirs de la pêche à la mouche et que Philippe Cortay relate avec un naturalisme certain. Alors, la truite finit souvent dans le panier, ou cuite le soir, au bivouac, sur des pierres plates posées sur les braises. Quoi de meilleur après une journée à marcher, grimper, escalader ? La truite est tuée, sa chaire est bonne, nourricière, c'est aussi simple que cela. C'est peut-être chez Daniel Taboury dans À Contre-Courant, Tableaux de pêche qu'il décrit le geste, à la fois de manière clinique et poétique, qu'il dessine une nature morte qui resterait à peindre si c'était encore à la mode : « ... efficacité presque médicale du geste pour tuer et la glisser précautionneusement dans le panier sur les dentelles de fougères où s'accrochent désespérément des cuillers en vrac échappant aux bobines gluantes des nylons perruqués. » On me pardonnera cet extrait, mais nous le savons, la pêche c'est aussi cela, une prédation qui doit être raisonnée par la nécessité, autrement dit, très occasionnelle. D'ailleurs, Philippe Cortay fait également du no kill une pratique régulière, presque coutumière et surtout générationnelle. La pêche même enracinée devient sport « un combat de gentleman, avec un fil suffisamment fin pour laisser sa chance au poisson » écrit-il. On croirait lire Pierre Clostermann ou Lee Wulf. La vie du haut de pays s'écoule ainsi, selon les saisons sempiternelles, le temps s'étire en un cycle immuable contrarié parfois par les aléas de l'histoire dont les drames et les énigmes trouvent leurs résolutions à la fin du roman.

« Des profondeurs de sa jeune mémoire remonta le souvenir du jour où l'Ancien et lui étaient partis traquer la truite dans la gorge sous le lac »,
Philippe Cortay, Les Murmures du Versant.
Philippe Cortay, Les Murmures du Versant
http://society6.com/mtzion/yinzer-trout_print#1=45

Il y a chez Cortay une dimension qui fait de la pêche une sorte de madeleine de Proust. Les souvenirs enfouis surgissent lentement au récit d'une partie de pêche. La mémoire revient au grè des sensations multiples et surprenantes de la touche, un monde renaît par la pêche, il est maintenu vivant par elle et en même temps la mémoire retrouvée donne un sens affectif au présent. Cortay affirme que la pêche est apprentissage, confiance, partage, pur plaisir car c'est un monde autonome dont les frontières avec le monde réel le rendent encore plus distant, plus incompréhensible, plus inconfortable, plus incertain. La pêche et ses moments créateurs s'inscrivent dans l'effort musculaire de tout un corps, la tension psychologique d'un esprit qui, tendu vers un poisson insaisissable et invisible, s'imprime au plus profond de la mémoire, les signes que l'intelligence excitée à son plus haut point tentent d'interpréter, donnent sens au moment présent, font exister, durablement, essentiellement. La pêche fait mémoire, récit autobiographique, non pas parce que l'on raconte mais parce qu'elle fait le lien, le fil conducteur, qu'elle relie les générations en cordée, qu'elle rassemble les traces éparses, les mosaïques de souvenirs, qu'elle fait tableau. SCRIBITUR AD NARRANDUM, NON AD PROBANDUM (...), «  On écrit pour raconter, non pour prouver » indique Daniel Taboury dans l'ouvrage déjà cité. Taboury se souvient alors de ses amis grâce à une partie de pêche sur le Thaurion dans la Creuse, la Rigole du Diable (que j'ai parcourue aussi), il se souvient de Daniel Maury, Gilbert Bordes, Charles Gaidy, Jean-Pierre Comby et d'autres. Est-ce un hasard s'il écrit des instantanés, de courts textes pris sur le vif qui sont comme des polaroïds ? C'est peut-être Tony Burnand qui apporte une réponse, en tout cas je la prends comme telle lorsqu'il écrit à la fin de son livre Les savoirs de la pêche à la mouche, que celle-ci permet « de revivre par l'esprit mille et un moments heureux ou malheureux d'une carrière anormalement étendue dans le temps et dans l'espace. » et il ajoute : « Et qui ne serait jamais finie... »

Chaque partie de pêche est une fraction d'éternité, qui reliée à une autre puis à une autre encore, fait un parcours de vie. Cortay nous hisse sur ses montagnes et tout là-haut on voit plus loin ... plus loin en nous.

« Il se jura de vivre comme ça toute sa vie. Dans la nature, avec son chien, sa canne et son grand-père à ses côtés pour lui raconter des histoires, dans ce cercle magique sous les étoiles, que son grand-père appelait la “galaxie du pêcheur” ».
 
« Ils pêchèrent quatre truites chacun. Cela prit un peu plus de temps pour l'Ancien. Sans doute davantage de souvenirs habitaient-ils sa mémoire »,
Philippe Cortay, Les Murmures du Versant.
Philippe Cortay, Les Murmures du Versant
http://backpacksandmountaintops.tumblr.com/post/83584290052
Chamane51 le 31/10/2014

Pêche et littérature, nature writing, livres de pêche.

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Partie de pêche au Yemen de Paul Torday
Le Testament d'un pêcheur à la mouche de John D. Voelker

Tags : Philippe Cortay, Alpes, Edmond Ardaille, Tony Burnand, Pêche à la mouche, Daniel Taboury, Cuiller, No kill, Pierre Clostermann, Lee Wulf, Lac, Truite
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#Posté le mardi 28 octobre 2014 10:25

Modifié le vendredi 31 octobre 2014 15:55

Pierre Clostermann, Mémoires au bout d'un fil, Arthaud, 1984

Pierre Clostermann, Mémoires au bout d’un fil, Arthaud, 1984 Mémoires au bout d'un fil, Pierre Clostermann
 
 
Pierre Clostermann, dont on connaît le passé prestigieux d'aviateur (voir Spartacus, l'espadon), se fait ici mémorialiste des océans et des grands poissons qu'il a rencontrés au cours de ses parties de pêche innombrables. Le fil de la mémoire se tend, raccommode une vie entière faite de cette passion qui nous anime. Un fil d'Ariane que nous suivons autant pour échapper au labyrinthe d'un quotidien qui nous épuise, que pour nous rapprocher des eaux vives et recueillir la lumière étincelante sur les écailles des poissons.
 
« Dans une vie souvent jouée à pile ou face,
se souvent mêlées à ma passion semi séculaire de la pêche,
celle de la nature... », P. Clostermann.
 
Pierre Clostermann, Mémoires au bout d’un fil, Arthaud, 1984C'est en effet un recueil de souvenirs volumineux : des tarpons de Sete Cama, de l'Amazonie, des thons de Nouvelle Écosse, La Mauritanie, le Sénégal, les perches du Nil, le Botswana et l'Okavango, toutes les mers et tous les océans (combien de rivières et de lacs ?) ont vu Pierre Clostermann. Le parcours est impressionnant et laisse rêveur. Il fallait bien pour cela une mémoire de notaire et celle de poète mêlées.
 
Prouesse d'une vie vouée à la pêche, peut-être par nécessité. Une vie jouée à pile ou face écrit-il, une vie qui a besoin de la pêche pour assurer le souffle, pour se survivre. Hemingway, encore lui, écrit à P. Clostermann en février 1954 avec la même nécessité pressante, you dry fly fishing as i piss today. I hope you are better with a sea reel and rod, par-delà le parler rude que l'on connaît d'Hemingway, il exprime aussi comme Clostermann une capacité de résilience obtenue par la pêche par-delà la maladie et la douleur, le meilleur moyen, peut-être, de dépasser sa propre condition.
 

 « La vie est bien courte pour tout connaître de la pêche sportive. »,
P. Clostermann.
 
 
Ce fut une obsession de Clostermann d'assurer des règles à la pêche pour sa pérennité et la beauté du geste. Il participe activement, dès 1977, aux activités du bureau de l'International Game Fish Association (IGFA), Association Internationale des Poissons de Sport, que Clostermann préfère traduire par « poisson noble ». Il s'agit de donnerPierre Clostermann, Mémoires au bout d’un fil, Arthaud, 1984 des règles qu'une organisation internationale assez puissante et renommée pourra imposer afin de faire reculer les « viandards » comme les appelle l'auteur et pour aussi avancer une autre culture halieutique, celle du sport et de l'honnêteté envers les poissons.
 
Philosophie que Closterman avait déjà mise en avant dans la création du Big Game Fishing Club France en 1965 (le BGFCF), respect du poisson et No Kill, marquage pour mieux comprendre leurs migrations et leurs croissances, protection de l'environnement et dénonciation des pratiques de pêche abusives. En ce sens, Clostermann est plus qu'un grand pêcheur, c'est un pêcheur exceptionnel.
 

  « Le but de la pêche sportive n'est pas de remplir de poissons morts un bateau ou un panier, mais plutôt de moissonner des souvenirs »,
P. Clostermann.
 
 
Son livre est aussi un hommage. Hommage aux poissons, tarpons, marlins, espadons, truites, brochets aussi. À leurs pêcheurs comme les Amérindiens d'Amazonie qui pêchent avec un leurre, fait de plumes d'un ara, qu'ils lancent dans l'eau façon arbalète, aux Acadiens de la Nouvelle Écosse « abandonnés par la France à la vindicte anglaise » et qui sont de fameux pêcheurs. Partout où il est passé, Clostermann a toujours considéré que la compréhension et la sympathie à l'égard des pêcheurs lPierre Clostermann, Mémoires au bout d’un fil, Arthaud, 1984ocaux étaient le meilleur mot de passe pour de belles parties de pêche.
 
Il n'oublie pas non plus ses classiques, qui sont aussi les nôtres, à commencer par Maurice Genevoix et Ernest Hemingway. Il  néglige encore moins ses amis comme Serge Pestel pour la pêche à la mouche ou un Pierre Affre qu'il considère comme un pêcheur complet et talentueux. Il est d'évidence un homme aux amitiés fidèles.
 
Avec ce livre, nous avons une longue chronique halieutique à travers le monde, agrémentée de photographies et de dessins de l'auteur lui-même comme pour être certain de ne rien oublier de ses temps heureux passés sur l'eau, comme pour affirmer une nouvelle fois que, même au bout d'un fil, sa mémoire ne fait pas défaut.
 
Dessins de Pierre Clostermann (Mémoires au bout du fil)
 
Chamane51 le 16/01/2012
 
Articles précédents :

J. de Lespinay, Si vous prenez la mouche . . .
Sophie Massalovitch, Le goût de la pêche
Serge Sautreau, Le rêve de la pêche
Sean Nixon, Les Nuits du Connemara
Pierre Clostermann, La prière du pêcheur
Pierre Clostermann, Des poissons si grands
Pierre Clostermann, Mémoire au bout d'un fil
Pierre Clostermann, Spartacus, l'espadon
Maurice Genevoix, Tendre bestiaire
Maurice Genevoix, Rémi des Rauches
Jim Harrison, Gary Snyder, Aristocrates sauvages
Pierre Perret, Les poissons et moi
John Gierach, Même les truites ont du vague à l'âme
Pierre Affre, La vie rêvée du pêcheur
Jean-Pierre Comby, Rêves de pêcheur
Henry D. Thoreau, Walden, préface de Jim Harrison
Bartolomé Bennassar, Les rivières de ma vie, Maurice Toesca, Rêveries d'un pêcheur solitaire.
Cormark McCarthy, La route
William G.Tapply, Casco Bay, Dark Tiger
Histoire d'ombres, Hervé Jaouen
Les pieds dans l'eau, René Fallet
Elisée Reclus, Histoire d'un ruisseau
Justin Cronin, Quand revient l'été
Les Ardennes à fleur d'eau, Terres ardennaises
La mouche et le Tao, Philippe Nicolas
Brève histoire de pêche à la mouche de Paulus Hochgatterer
Un bon jour pour mourir de Jim Harrison
La femme truite de Vincent Lalu
La grande rivière au coeur double, Ernest Hemingway
L'enfant et la rivière d'Henri Bosco
L'enchantement de la rivière de Philippe Nicolas
Le Traité du zen et de l'art de la pêche à la mouche de John Gierach
Partie de pêche au Yemen de Paul Torday
Le Testament d'un pêcheur à la mouche de John D. Voelker
 
Tags : Pierre Clostermann, Mémoires au bout d’un fil, IGFA, Viandards, Maurice Genevoix, Pierre Affre, Serge Pestel, BGFCF, No kill, Hemingway
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#Posté le lundi 16 janvier 2012 15:36

Modifié le vendredi 29 juin 2012 12:16

Pierre Clostermann, Spartacus, l'espadon, Flammarion, 1989


 Pierre Clostermann, Spartacus, l’espadon, Flammarion, 1989  
Spartacus, l'espadon, Pierre Clostermann

 
C'est décidé en ce début d'année, je fais mon avalaison pour rejoindre des eaux plus chaudes voire tropicales si les courants sont porteurs. Pierre Clostermann m'indique la direction : le grand large !
 
La mer n'en est pas moins aussi aventureuse que les eaux vives ou dormantes. On y rencontre des poissons fantastiques, des combattant extraordinaires et à en croire P. Clostermann des gladiateurs : Xiphias Gladius nom scientifique de l'espadon, « gladius » pour l'épée ! Le pêcheur aurait donc trouvé avec l'espadon un combattant à sa mesure au milieu de l'arène immense des mers océaniques.
 
« Pour lui désormais la vitesse, ce fut la vie et l'espace libre, la sécurité »,
P. Clostermann.
  Pierre Clostermann, Spartacus, l’espadon, Flammarion, 1989
Qui mieux que P. Clostermann pouvait raconter la vie errante et dangereuse de l'espadon.  Aviateur aux 33 victoires, désigné « Premier chasseur de France » (Croix de guerre avec 27 citations) par le général de Gaulle. Les grands espaces, la vitesse, le courage, le sens de la chasse et de la ruse, tout rapprochait Clostermann de la pêche des grands poissons de sport. Il devint l'ami d'Hemingway qu'il rencontra au bar du Ritz à Paris en 1952 et c'est pour lui qu'il rédigea ce livre comme une sorte d'hommage rendu Au vieil homme et la mer qu'il tenait en haute estime, et il a bien raison.
 
On suit l'espadon Spartacus, et on comprend vite que dès sa naissance un poisson comme lui est en sursis. Il doit certes échapper à ses prédateurs naturels puis plus tard aux hommes. A la pollution d'abord, puis  aux mailles de la madrague, aux delphinières, aux long liners, tous le recherchent pour sa chair. Sa seule chance de survie est de rencontrer un pêcheur sportif qui le relâchera avec respect dans la mer.
 
 
« La lourde silhouette de l'espadon, corps bandé comme un ressort, se profila un instant sur l'horizon,
secouant son épée brandie vers le ciel et retomba,
soulevant une gerbe d'écume.»,
P. Clostermann.
  Pierre Clostermann, Spartacus, l’espadon, Flammarion, 1989
L'espadon est donc un poisson de plus en plus rare. P. Closterman en parle déjà avec nostalgie à son époque. C'est au Portugal, à Sesimbra, qu'il rencontre le pêcheur Arsenio Cordeiro ;  ce dernier pêchait l'espadon au vif « – comme un brochet de la Marne - dans une barque de la taille d'un bachot de rivière ». Ce style de pêche relève davantage du duel où les qualités physiques du pêcheur sont mises à rude épreuve et laissent toutes les chances au poisson qui le plus souvent est relâché.
 
 L'auteur prendra sept espadons en vingt ans, « sept remords » écrit-il : un repentir qui fait surgir l'auteur dans la biographie de Spartacus l'espadon. Et on ne sait à ce moment si par anthropomorphisme l'auteur tisse son autobiographie avec celle de l'espadon, ou si c'est par une sorte « ichthyanthropie » (cas unique dans la pêche et la littérature) que Spartacus a pris possession de P. Closterman...
 
« Le grand poisson pantelant comme un dormeur qui s'éveille,
glissa en arrière avec un murmure de sable roulé par la vague qui se retire »,
P. Clostermann.
  Pierre Clostermann, Spartacus, l’espadon, Flammarion, 1989
L'auteur est un ardent défenseur des poissons de sport et de l'espadon en particulier, et ce fut l'un de ses objectifs au sein de l'IGFA, International Game Fish Association, à la suite d'Hemingway. Le No kill est une nécessité si nous ne voulons pas voir les mers et les océans vides de vie et de beauté. Et pourtant, l'auteur ne rend pas seulement hommage à Spartacus l'espadon, mais il se tourne aussi de manière posthume vers Hemingway. Pas seulement par fraternité d'homme ayant partagé les dangers de la guerre, mais parce que tous deux aimaient d'une passion brûlante l'océan et ses grands poissons.
 
Spartacus n'a pu échapper à tous les pièges qui lui étaient tendus. Un navire de pêche interlope sans morale l'a capturé et tué. P. Clostermann se plaît alors à imaginer que le rostre, le glaive de Spartacus, est désormais accroché sur le mur de la Finca Vigia, la maison d'Hemingway, près de la Havane, à Cuba.
 
Dessins de Pierre Clostermann (Spartacus, l'espadon, Flammarion, 1989 )
 
Articles précédents :
J. de Lespinay, Si vous prenez la mouche . . .
Sophie Massalovitch, Le goût de la pêche
Serge Sautreau, Le rêve de la pêche
Sean Nixon, Les Nuits du Connemara
Pierre Clostermann, La prière du pêcheur
Pierre Clostermann, Des poissons si grands
Pierre Clostermann, Mémoire au bout d'un fil
Pierre Clostermann, Spartacus, l'espadon
Maurice Genevoix, Tendre bestiaire
Maurice Genevoix, Rémi des Rauches
Jim Harrison, Gary Snyder, Aristocrates sauvages
Pierre Perret, Les poissons et moi
John Gierach, Même les truites ont du vague à l'âme
Pierre Affre, La vie rêvée du pêcheur
Jean-Pierre Comby, Rêves de pêcheur
Henry D. Thoreau, Walden, préface de Jim Harrison
Bartolomé Bennassar, Les rivières de ma vie, Maurice Toesca, Rêveries d'un pêcheur solitaire.
Cormark McCarthy, La route
William G.Tapply, Casco Bay, Dark Tiger
Histoire d'ombres, Hervé Jaouen
Les pieds dans l'eau, René Fallet
Elisée Reclus, Histoire d'un ruisseau
Justin Cronin, Quand revient l'été
Les Ardennes à fleur d'eau, Terres ardennaises
La mouche et le Tao, Philippe Nicolas
Brève histoire de pêche à la mouche de Paulus Hochgatterer
Un bon jour pour mourir de Jim Harrison
La femme truite de Vincent Lalu
La grande rivière au coeur double, Ernest Hemingway
L'enfant et la rivière d'Henri Bosco
L'enchantement de la rivière de Philippe Nicolas
Le Traité du zen et de l'art de la pêche à la mouche de John Gierach
Partie de pêche au Yemen de Paul Torday
Le Testament d'un pêcheur à la mouche de John D. Voelker
 
 
Chamane51 le ../../2011
Tags : Pierre Clostermann, Spartacus l'espadon, No kill, IGFA, Le vieil homme et la mer, Ichthyanthropie, Brochet, Hemingway
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#Posté le jeudi 22 décembre 2011 07:45

Modifié le vendredi 29 juin 2012 12:15

Hervé Jaouen, Histoire d'ombres, Les Éditions de la Chapelle, 2004

 Hervé Jaouen, Histoire d’ombres, Les Éditions de la Chapelle, 2004 Histoire d'ombres, Hervé Jaouen


Il y a bien des fois où l'on s'amuse avec les eaux des rivières et des ruisseaux, on les trouve riantes, et lumineuses, on parle de chants et de cascatelles et tout semble gai et facile. On oublie vite que l'eau peut tuer ou qu'elle peut servir à le faire et que les rivières peuvent devenir un bon mobile pour un crime, même à la pêche.






« Elle avait lancé cette boutade : pars pêcher à la ligne »
Hervé Jaouen, Histoire d'ombres.




Quand on ouvre Histoire d'ombres d'Hervé Jaouen, on ne s'attend pas à commencer par la fin et c'est un peu déstabilisant pour qui est habitué à se lever tôt et à se coucher bien après le coup du soir. Nous sommes à l'Auberge de la truite de Lomont sur les bords du Doubs pour une histoire de pêche. Ralph Bachkine est venu là pour pêcher ou plutôt pour y voir plus clair et tenter de faire le point sur son couple. Sa femme lui avait dit avec une sorte de désinvolture et de défi mêlés, « pars pêcher à la ligne ». Une proposition que l'on ne doit jamais faire à un homme, du moins si l'on tient à lui, et d'ailleurs une proposition pareille ça ne se refuse pas. L'Auberge a le confort honnête d'une bonne chaumière et on peut rencontrer toutes sortes de pêcheurs : ceux qui arrivent dans la salle de restaurant avec leurs cuissardes et qui pêchent la truite aux vers (roulant en break GS Citroën), le petit vieux organisé toujours accompagné par sa femme elle-même accompagnée par son chien, vrai collectionneur de mouches montées par ses soins (en CX Citroën), le jeune cadre dit dynamique avec un matériel hors de prix (en coupé Alfa Roméo Gran Tourismo Veloce), un riche industriel pas prétentieux (en Jaguar forcément) et Nina sa femme. Nina, elle, ne pêche pas, oh non ! Elle harponne à la fouëne à trois dents les hommes qui passent trop prêt. Elle a le sourire pointu comme l'hameçon, le rouge à lèvres ardillon, le clin d'½il coup du soir-coup d'un soir, l'entre-jambe façon dubbing brésilien en lapin. Elle est rousse et ses jupes sont trop courtes. Elle aime le soleil sur sa peau, se promener nue et s'allonger nue dans l'herbe. Bref, elle n'est pas du genre à pratiquer le no kill !




« Je finirai en beauté à la pêche, avec des truites dans mon panier. »
Hervé Jaouen, Histoires d'ombres.




Bachkine est venu là à la pêche et les rives bucoliques du Doubs ce n'est pas Monaco, Cannes ou Saint-Trop. Il a le sens de l'eau et assez d'instinct pour dénicher les truites, « deux qualités qui priment sur le matériel ». Il se lie d'amitié avec Bloch, le mari de Nina. Tous les deux partent à la pêche et discutent de la vie, comme les hommes le font après quarante ans. Les bords du Doubs sont agréables, les truites mordent sur des mouches nouées à des bas de ligne de 14 ou 12 centièmes et tous les soirs Nina est là virevoltant autour de Bachkine comme une mouche de mai en lui murmurant aux oreilles « Tue-le...Tue-le...Tue-le... ». Les trois personnages nouent entre eux des relations distordues, avec des non-dits, des actes manqués qui les enserrent dans un drame comme un n½ud de trèfle, le seul n½ud que l'on ne peut dénouer sans en couper un brin... Bachkine et Bloch vont donc pêcher sur le Doubs au lieu-dit La Goule non loin de la Suisse. Ils montent des sedges sur un bas de ligne de 18 centièmes cette fois-ci. Les pluies de la veille laissent présager un agréable moment. En effet, des truites de cinq livres se laissent prendre. Dans le courant la bataille est rude, elle forge l'amitié entre les pêcheurs et le mouvement des cannes cadences le temps comme les aiguilles d'une horloge « Nous avions oublié le temps. La nuit tombait et il ferait noir dans quelques minutes ». Lorsque d'un seul coup, dans l'obscurité la plus totale, le niveau de l'eau se met à monter « la rivière n'était qu'une masse noire. Une tombe ouverte. » Bloch se noie emporté par le courant. Restent Bachkine et Nina. Le mobile paraît évident et l'arme du crime est la rivière!

Mais est-ce si simple ? Comment échapper à l'évidence ? « La vie est fumée et la mort est son ombre » indique Hervé Jaouen en exergue de son roman. Bachkine n'en a pas fini, doublé par son passé et Nina qui le poursuit.
 
Chamane 51 le 10/02/11
 
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William G.Tapply, Casco Bay, Dark Tiger
Histoire d'ombres, Hervé Jaouen
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Tags : Hervé Jaouen, No kill, dubbing, ombre, Doubs, Loue
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#Posté le jeudi 10 février 2011 05:12

Modifié le vendredi 29 juin 2012 12:02

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