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Pêche et littérature, "nature writing", livres de pêche.

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Un blog pour parler de pêche et de littérature. Pour contempler les rivières et les lacs, leurs poissons.

Avatar : Chamane partiellement transformé en poisson (peinture rupestre San)

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Martti Linna, Le Royaume des perches.




Martti Linna, Le Royaume des perches.
Martti Linna, Le Royaume des perches, Ed Babel noir, 2015
 
 
Un tableau de Jérôme Bosch peut suffire à vous hanter quelques jours et à vous hypnotiser suffisamment pour voir passer votre vie devant vos yeux ouverts, afin de savoir s'il n'y a pas quelques fautes impardonnables en tout cas assez graves pour vous expédier de l'autre côté de la toile. Celle de M. Linna est un lac finlandais, perdu et encadré d'une forêt sombre. Un pêcheur à la cuiller et aux leurres du nom de Hilpo à l'âme triste et criminelle, passe son temps dans sa barque à traquer la plus grosse perche du lac. Les divinités des temps anciens, des mythologies finlandaises dites primitives, sont invoquées à défaut d'être convoquées. Athi, dieu de la pêche, ou les Ondins, à la fois torse d'homme mais à la terminaison caudale écailleuse, constituent des reliquats merveilleux mais trop éthérés, trop brillants, trop beaux.
Hilpo a une femme, assez soumise pour tolérer des boîtes d'asticots dans le frigo, assez résignée pour accepter les longues absences de son mari, assez passive pour accepter des têtes de poissons accrochées au mur du salon en guise de trophée. Celle-ci disparaît, ainsi que sa s½ur tout comme le fils du gérant du camping, le lac étant assez grand et ses eaux assez profondes et vaseuses pour les inhumer d'une lourde chape liquide au Royaume des perches. Oubliez les perches rutilantes d'un J.-J. Audubon et leurs coulures d'or, leurs reflets d'émeraude et les cuivres brillants d'un H.-D. Thoreau. Elles prennent ici dans le lac d'Hilpo des allures de spectres capables de pénétrer dans vos rêves pour les transformer en cauchemar. Des bans de perches décapitées peuvent tourmenter le dormeur en réclamant leurs têtes. Elles viennent d'un royaume tout aussi froid et glauque qu'une morgue, sauf qu'à la morgue on ne peut pas servir d'appât pour la pêche, du moins en principe.
 
Martti Linna, Le Royaume des perches.


«  Mon carnet de capture est resté là-bas avec mes cannes et mes moulinets.
Nom de Dieu ! Sa femme avait disparu...
et le pauvre bougre ne se souciait que de son matériel de pêche. »,
Martti Linna, Le royaume des perches.


La quête mystique du trophée se perd en coup de rames, en pontons glissant et en hameçons triples plantés dans la bouche. La pêche au mort manié n'a jamais aussi bien porté son nom et ce n'est pas le diable qui tient la canne. Hilpo a perdu son âme, il ne l'a même pas vendue. Il s'est laissé allé sans même penser revenir. Tout est poisson, les femmes et les hommes ressemblent à des brochets corpulents lents à mourir parce que difficiles à tuer ou à des brèmes aux lèvres molles, méprisables, mangeuses de vase qu'Hilpo ne prend même pas soin de tuer. Lui-même est poisson, « une saloperie de poisson. Il baise comme un poisson » dit de lui Seija sa belle-soeur qui fut un temps son amante. Il offre à sa femme le jour de son mariage une cuiller Procatch n° 4 de chez Rapala montée en broche, les triples en moins tout de même. Beau cadeau certes mais qui ne vaut pas une belle alliance si les circonstances comptent encore un peu.
Linna opère une hybridation de son héros et des personnages secondaires. Ils ne sont plus du genre humain, la ramification est accidentelle mais prévisible. Un temps trop long passé à pêcher loin des hommes peut abîmer le comportement, et si la sympathie pour les poissons n'était pas sans borne je supposerais qu'Hilpo est le chaînon manquant vers une anormalité monstrueuse. Trop poisson pour être humain mais trop humain pour être poisson. Le dérèglement de l'âme met en route la combinatoire de l'hybridation que Jérôme Bosch peint dans son tableau sur l'Apocalypse visible au musée Groeningue de Bruges. Ses hybridations mi-homme mi-poisson ne sont que les avatars diaboliques et démoniaques de nos turpitudes qui viennent nous saisir sans aucune échappatoire possible. Le dérèglement du monde n'est que le résultat de notre action déréglée.

Martti Linna, Le Royaume des perches.

«  La cuiller tomba droit dans la bouche ouverte d'Osmo.
Elle s'enfonça profondément.
Les hameçons de la Clipper étaient situés au niveau des nageoires dorsale, ventrale et caudale. »,
Martti Linna, Le Royaume des perches.
 


C'est ce que l'auteur appelle le « complexe des percidés », à peine plus compliqué que celui d'Oedipe. Mettez-lui des nageoires, des ouïes, une tête et une paire d'yeux et cela peut faire l'affaire. Vous commencez par préférer les eaux froides, profondes et sinistres, vos yeux deviennent livides, votre peau s'amollit et devient squameuse, s'en est fait de vous, vous êtes passé de l'autre côté, du côté du Royaume des perches où vous courez comme un fou quelque part dans l'Apocalypse de Jérôme Bosch poursuivi par des poissons scie ou des baleines aux dents de lames. Hilpo n'aime rien de plus que son lac qui ne le prenait jamais à l'improviste au contraire des rivières si changeantes et des cailloux glissants. Ses eaux sont sans reflet et la barque d'Hilpo avance en glissant comme celle de Caron le nautonier qui met l'enfer à la portée d'un coup de rame. La thèse de Bachelard dans L'eau et les rêves est que l'eau met à jour les affres de l'âme et que les eaux profondes sont la matière du désespoir, une invitation à mourir. C'est pour cela certainement qu'Hilpo transforme son lac en cimetière.
Alors donc, méfiez-vous si vous préférez les grands lacs, les rivières, les ruisseaux, les étangs, la mer ou si vous les préférez tous, interrogez-vous, car cela dit quelque chose de vous, de votre âme et que vous vous approchez de l'autre monde et peut-être même que vous y êtes déjà..,
 
Martti Linna, Le Royaume des perches.
« Tu es poussières et tu retourneras à l'eau
dit-il d'une voix si basse que le policier ne pouvait l'entendre. »,

M. Linna, Le Royaume des perches.
Chamane51 le 21/02/2019
Pêche et littérature, nature writing, livres de pêche.

Chrisitan Plume, La truite et moi
Eric Audinet, Jean-Luc Chapin, Pêcheur
Peter Heller, Peindre, pêcher et laisser mourir
Jean-Marie Rouffaneau, Histoires de pêche, Rabouin
Chamane51, Le Guide (souvenirs des Hébrides)
Numa Marengo, La pêche et Platon
Philippe Cortay, Les murmures du Versant
Serge Sautreau, Après-vous mon cher Goetz
Maurice Constantin-Weyer, La chasse au brochet
Denis Rigal, Eloge de la truite
Jean Rodier, En remontant les ruisseaux
Joan Miquel Touron, La belle histoire de la pêche à la mouche
Henri Bosco, Malicroix
Henry David Thoreau, Journal (22 octobre 1837-31 décembre 1840)
Laurent Madelon, Plaisirs de la pêche en montagne
René Hénoumont, Le jeune homme et la rivière
John Gierach, La-bas les truites...
Jacques-Etienne Bovard, La pêche à rôder
J. de Lespinay, Si vous prenez la mouche . . .
Sophie Massalovitch, Le goût de la pêche
Serge Sautreau, Le rêve de la pêche
Sean Nixon, Les Nuits du Connemara
Pierre Clostermann, La prière du pêcheur
Pierre Clostermann, Des poissons si grands
Pierre Clostermann, Mémoire au bout d'un fil
Pierre Clostermann, Spartacus, l'espadon
Maurice Genevoix, Tendre bestiaire
Maurice Genevoix, Rémi des Rauches
Jim Harrison, Gary Snyder, Aristocrates sauvages
Pierre Perret, Les poissons et moi
John Gierach, Même les truites ont du vague à l'âme
Pierre Affre, La vie rêvée du pêcheur
Jean-Pierre Comby, Rêves de pêcheur
Henry D. Thoreau, Walden, préface de Jim Harrison
Bartolomé Bennassar, Les rivières de ma vie, Maurice Toesca, Rêveries d'un pêcheur solitaire.
Cormark McCarthy, La route
William G.Tapply, Casco Bay, Dark Tiger
Histoire d'ombres, Hervé Jaouen
Les pieds dans l'eau, René Fallet
Elisée Reclus, Histoire d'un ruisseau
Justin Cronin, Quand revient l'été
Les Ardennes à fleur d'eau, Terres ardennaises
La mouche et le Tao, Philippe Nicolas
Brève histoire de pêche à la mouche de Paulus Hochgatterer
Un bon jour pour mourir de Jim Harrison
La femme truite de Vincent Lalu
La grande rivière au coeur double, Ernest Hemingway
L'enfant et la rivière d'Henri Bosco
L'enchantement de la rivière de Philippe Nicolas
Le Traité du zen et de l'art de la pêche à la mouche de John Gierach
Partie de pêche au Yemen de Paul Torday
Le Testament d'un pêcheur à la mouche de John D. Voelker

Tags : Perche, Leurre, Lac, Gaston Bachelard, Jérôme Bosch
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#Posté le jeudi 21 février 2019 16:14

Modifié le jeudi 21 février 2019 16:42

Henri Bosco, Malicroix

Henri Bosco, Malicroix, Gallimard 1948

Henri Bosco, Malicroix
Lire Malicroix encore une fois, antienne du temps de Noël, temps de passage et de ressouvenir. Temps d'espérance. Une lecture apaisée qui vivifie la mémoire et incite à penser le temps long des campagnes, les êtres chers et les eaux vives. Bosco est un peintre des âmes et des eaux, des hommes, de la source et du grand fleuve. Le cours de l'eau et le cours de la vie mêlent leurs destinées avec leur part de courants secrets, de drames et d'espoir. C'est dans les territoires de l'enfance, ses rives, ses bordures, ses failles, dans leur franchissement téméraire que Bosco puise son inspiration romanesque.
Avec Malicroix, nous quittons la Durance de L'enfant et la rivière pour le grand fleuve, le Rhône.
 


« Ce désir me hantait pourtant et c'est à lui que je dus de connaître cette rivière où, selon ma pensée,
venaient finir sur notre rive les jardins de ce paradis »,
Henri Bosco, Un oubli moins profond.
 

Henri Bosco, MalicroixPour Bosco, l'enfance constitue une source d'inspiration de premier ordre par l'émerveillement, la capacité au rêve pur, au songe vierge de toute éducation. Tout jeune, il fut absorbé par le miroitement des eaux, nourri puis possédé par elles. Quand il retrace ses souvenirs autobiographiques dans Un oubli moins profond, il évoque par deux fois une histoire illustrée par lui-même et qui revêt une importance primordiale: « une aventure d'enfance sortie des eaux, vécue sur les eaux, et cachée longtemps dans ces profondeurs de nous-mêmes qui ressemblent à des eaux dormantes... » écrit-il. C'était déjà une lointaine ébauche de L'enfant et la rivière que j'aime tant (à découvrir dans ce même blog). Bosco avait sept ans alors. Au bord de l'eau, les sens s'aiguisent et la poésie des lieux prend possession du jeune contemplateur. Sentiment rehaussé par le franchissement aventureux des marges et des limites et les possibilités d'aventures, l'enfance est le temps de la hardiesse et les risque-tout sont rois au pays des robinsonnades. Un sentiment magnifique, émancipateur autant que libérateur éprouvé entre autres par le romancier ardennais André Dhôtel ou le pêcheur Philippe Nicolas qui décrivait dans Les vairons de nos sept ans avec plus de nostalgie cette fois, cet état d'équilibre précaire que l'on ressent en grandissant et que l'on doit dépasser quoi qu'il en coûte : « Au bord de la vie, au bord de l'eau, au littoral de mon être, l'enfance. » Le poète Jules Supervielle traduit également ce sentiment mêlé de vulnérabilité et de nostalgie dans un poème dont le titre L'enfant et la rivière résonne curieusement avec le livre de Bosco :

De sa rive l'enfance
Nous regarde couler :
« Quelle est cette rivière
Où mes pieds sont mouillés,
Ces barques agrandies,
Ces reflets dévoilés,
Cette confusion
Où je me reconnais,
Quelle est cette façon
d'être et d'avoir été ? »
Et moi qui ne peux pas répondre
Je me fais songe pour passer aux pieds d'une ombre.
 
Dans Les chemins de Monclar, Bosco repense à la vision si impressionnante du bac à traille (longue chaîne qui permettait au bac de traverser un cours d'eau par la force du courant) de l'île Bathelasse qui reliait l'île à la ville d'Avignon à travers le Rhône. On y voyait alors, à la pointe de l'île, la statue d'un Christ en croix immergé dans les eaux du fleuve. Vision saisissante pour l'enfant transformée plus tard en matériaux romanesques par l'écrivain de Malicroix.
 

« Caché par le feuillage, le long des bois, devait passer quelque fleuve furtif dans un lit immense.
Le lourd déplacement de ses masses liquides imperceptiblement
faisaient frémir les rives invisibles. »
Henri Bosco, Malicroix.


 
Henri Bosco, MalicroixMartial Mégremut, issu d'une famille provençale dont la douceur et l'amour forment le trait de caractère principal, hérite d'une île du Rhône au milieu de la Camargue. Il doit pour entrer en possession de cette île passer une période probatoire de trois semaines, seul, sans aide, ni contact avec sa famille. C'est après avoir passé cette épreuve qu'il deviendra propriétaire par voie testamentaire. Le donateur, Cornélius Malicroix, son grand-oncle y vivait reclus dans une sorte d'ermitage lacustre.
Martial consent à l'épreuve et passe des collines lumineuses de la Provence, le haut pays ensoleillé, au monde dangereux des eaux puissantes du Rhône et de ses rives mouvantes à fleur d'eau. Le contraste désoriente Martial, passé avec le bac qui traverse le fleuve, il a pu d'un seul regard mesurer le monde étrange du fleuve, de ses chenaux entrelacés et changeants, où la force des courants et des inondations se disputent la terre qu'elles avalent en grandes coulées liquides pour la reformer ailleurs en alluvions boueux d'abord puis en roselières secrètes ensuite. Martial s'épouvante : « Le fleuve me hantait... la fluidité des eaux fluviales, lentes ou rapides, me trouble, où je décèle un monde à demi visible de formes fugitives qui tentent et parfois fascinent l'âme inattentive. » Les eaux sont piégeuses, faites de chausse-trapes liquides, de nasses mouvantes, pleines de courants tentaculaires, captivant le regard par des miroitements hypnotiques, calmes et trompeurs. Martial n'est pas de ce monde et pourtant il se doit de déjouer les pièges et de faire parler en lui le sang des Malicroix. Bosco ouvre alors les portes d'un univers qui mêle les terreurs de l'enfance, le sommeil, le sombre de la nuit et la force qu'il faudra néanmoins déployer pour échapper et surmonter cette terreur. Les eaux du Rhône sont lourdes, pesantes et enveloppantes, parfois même ce sont des eaux mortes dont le miroir huileux est propice à l'envoûtement par fascination et soumission. Ces eaux sont ensorcelées, bruissantes de murmures profonds, souterrains, inintelligibles et qui pourtant accaparent toute l'attention et noient la raison. Elles sont faites d'épouvantes silencieuses qui avancent par masses lourdes et inexorables. Ici, point de reflet du ciel à la surface, pas d'eau bleue, pas de paradis perdu ou retrouvé. C'est une contemplation sombre et profonde.
C'est le Rhône des noyés, des navires brisés, des appels au secours, des grandes inondations dévastatrices, des bêtes qui par troupeaux flottent le ventre gonflé, tourné vers un ciel de traîne noir et boueux. Le Rhône peut être un monstre : « Là courait la bête des eaux, le génie du monstre, gonflé par les vents et les pluies d'automne. » Martial a ce regard d'épouvante mais il ne cède pas à la terreur ni à la fuite et s'enfonce dans l'île de la Redousse. Le héros a mesuré la profondeur onirique du Rhône et il a puisé aussi profondément qu'il a pu en lui-même pour s'arracher à cette torpeur qui l'engourdissait. Il fut malade puis soigné, puis réveillé enfin révélé à lui-même par des forces insoupçonnées.

 
« Et, il créa soudain, pour vivre en moi, des espaces immenses. »,
Henri Bosco, Malicroix.

 
Pour Bosco, il n'y a pas Henri Bosco, Malicroixde différence entre le surnaturel et le naturel, il n'y en a pas non plus entre le réel et l'irréel. Les forces à l'oeuvre dans la nature sont également présentes dans l'homme ou plutôt dans son enfance car l'enfant est naturellement doué pour la rêverie. Dans le Chemin de Monclar, le premier chapitre est occupé par la présence primordiale des eaux vives. Bosco y relate la rencontre avec Rosalie, une fillette de douze ans avec qui il s'échappe du jardin familial pour rejoindre la rivière. Rosalie évoque une particularité marquante de sa personnalité : « Quand je dors, c'est dans l'eau, c'est toujours dans l'eau... je rêve dans l'eau ». Elle indique que c'est par la plongée dans le monde des eaux et le cheminement aquatique que se forme la rêverie, mais c'est aussi par le ressouvenir, l'ascension ou la remontée vers l'éveil que les rêveries retrouvent la rationalité du récit. L'anamnèse devient poésie, c'est le vrai pouvoir des eaux vives : « L'eau donne la beauté à toutes les ombres, elle remet en vie tous les souvenirs » écrivait Gaston Bachelard dans L'eau et les rêves au chapitre II consacré aux eaux profondes. Martial Mégremut est revenu du monde ombreux des eaux fluviales.  Le héros se construit par le ressouvenir et il  borde les rives de son imagination pour vaincre les divagations et les terreurs de la nuit qui sont aussi celles de l'enfance : « Aucune présence morale ne se substituait à l'absence des hommes, et rien ne me hantait. Mes pensées n'étaient que mes pas et mon souffle facile ; et je m'avançais vers le fleuve sans le redouter. » Martial renaît non pas comme un homme nouveau mais comme un homme accompli. D'ailleurs, il fut aidé par une étrange jeune fille qui n'est pas sans rappeler la petite Rosalie de son enfance, Bosco ne lui donne pour patronyme que le pronom « Elle » et dans son sillage un parfum d'eau vive qu'elle porte partout où elle va, « c'est son signe vital ».
L'eau des songes est aussi une eau mystique. Foi intense et intuitive de Martial dans cette eau vive qui le soigne et le rétablit. L'eau est un bienfait pour le corps et l'âme. Bosco se souvient de cette statue du Christ qui émergeait du Rhône comme si elle représentait la divinité du fleuve elle-même. Mais c'est en remontant dans le haut pays de Provence à Anthebaume, le berceau romanesque des Mégremut, que Martial renoue avec les sources, leur eau vive, fraîche, limpide et salutaire : « Jamais les sources ne furent plus vives, les brises plus lentes à toucher nos chênes... » C'est l'eau pure du baptême et de la renaissance alors que sur le Rhône on célèbre la messe des morts pour les noyés. Martial s'est accompli, de la source au fleuve, il a relié les courants secrets de l'âme et des eaux. Il peut rejoindre « Elle » à qui Bosco donne maintenant un prénom, Anne-Madeleine qui annonce la grâce et l'amour, allégorie des eaux vives au milieu du fleuve.
 


Malicroix continue L'enfant et la rivière Henri Bosco, Malicroixavec la même passion contemplative, mais comme avec Bosco la nature est constitutive de l'homme, le paysagiste se fait portraitiste. Henri Bosco est le penseur et le poète des cours d'eau, de la source et du fleuve car les hommes  sont eux aussi animés par des songes fluides et profonds. Les réminiscences de l'enfance, les rêveries, parfois sombres, se mêlent à l'aventure et à l'accomplissement de soi par le miracle des eaux vives.
 

Chamane51 le 05/01/2013
Tableaux de François Émile Michel (1828-1909), peintre et critique d'art français du XIXe siècle. Premier tableau : "Le repos du pêcheur", deuxième : " Mare du Breuil", troisième : "Bouquet de roseau", quatrième : "Les bords de la Couse".
Articles précédents :
Pêche et littérature, nature writing,
livres de pêche.
Henry David Thoreau, Journal (22 octobre 1837-31 décembre 1840)
Laurent Madelon, Plaisirs de la pêche en montagne
René Hénoumont, Le jeune homme et la rivière
John Gierach, La-bas les truites...
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